Malaquais - Les Javanais
Sur un sale air de Java...
" Une abomination ! Le problème ce ne sont pas les immigrés, le problème, c’est le chômage. La crise actuelle est une crise du capitalisme. On bourre de merde la cervelle des ouvriers en leur faisant croire que tout est de la faute des immigrés… Moi, je suis venu en France à l’âge de 18 ans, parce que j’avais une vision exaltée de ce pays, le pays des droits de l’homme, de la culture. Or j’y ai trouvé un pays xénophobe, une intelligentsia à l’échine molle.. Aujourd’hui c’est pareil. Le Pen au moins est ce qu’il est, est ce qu’il dit : raciste et xénophobe. "
On est en 1997, l'homme qui parle est arrivé en France en 1926. Il s'appelle Jean Malaquais. Il est né en 1908 en Pologne et meurt à Genève en 1998. Il reste reste d'une fâcheuse actualité.
Il est donc temps de lire, ou de relire Les Javanais. C'est un drôle de roman, la chronique étrange d'une communauté provençale peu avant la guerre surnommée par ses habitants l'Île de Java.
Une communauté, car tous ses membres vivent de près ou de loin des travaux d'une mine à la tête de laquelle a été parachuté un angliche nonchalant et iconoclaste, et dans laquelle piochent nombre de travailleurs au noir de toutes origines… Un bateau ivre les jours de paye, à la population bigarrée, une tour de Babel vivante et rude, aux personnages joyeusement uniques, dont l'auteur, fin connaisseur de ces travaux en profondeur, peint un tableau poétique, drôle et diablement coloré. Si Gide, Trotski et le jury Renaudot, en 1939, puis par la suite Jorge Semprun, entre autres s'enthousiasmèrent en termes parfois grandiloquents pour ces Javanais (et il y a de quoi), c'est aussi pour sa langue inventive, triturée, argotique, hilarante, (et une vraie torture pour les logiciels d'OCR et de corrections, soit dit en passant). Comme d'hab', on invoqua les mânes de Rabelais et Céline, qui n'ont pas pour le coup à se retourner dans leur tombe. Pas comme Buffon, qui disait que "ceux qui écrivent comme ils parlent, quoiqu'ils parlent très bien, écrivent mal". Un Buffon qui dit une grosse connerie, c'est normal, non? Et si, à la fin du livre, la mine ferme, laissant les javanais se disperser aux quatre vents, comme les cendres de Malaquais l'ont été aux abords de la mine en 1998, pour nous lecteur, l'Île de Java ne sera plus jamais située en Asie, mais dans une Provence bien loin des clichés touristiques.
Outre le roman, cette e-dition en enrichie d'une postface de Trotski, d'une biographie et d'un portrait de Malaquais.
Malaquais chez Chancel, avec photos et documents
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