Blondin - Tours de France
Blondin, un challenge qui passe...
D'abord ce qui fâche : le 13 juillet dernier, un journaliste du Soir, que l'on aime pourtant bien, s'est vu décerner le prix Antoine Blondin pour ... le meilleur calembour titrant un article sur le tour de France de l'année précédente... Ben fiente alors, ne garder des chroniques de l'Antoine que ses calembours, qui inspireront les futures unes de Libé avant d'essaimer un peu partout, c'est ne garder que le souvenir de la gueule de bois après la Fête des Vignerons...
Non, Blondin et le four de transe, c'est bien plus que ça... À l'époque, le général de Gaulle dirigeait la France pendant onze mois et en juillet, il laissait les clés du pays à Jacques Goddet, le bien-nommé, hein Antoine?, directeur de la Grande Boucle... De 1954 à 1982, Blondin s'assied à l'arrière de la voiture de L'Équipe conduite par Michel Clare, livrant au quotidien sportif plus de cinq cents chroniques, frémissantes et fraternelles, un flot espiègle et coruscant de pages d’anthologie sportive. De boutade en coq-à-l’âne, de faux plat en fariboles escarpées, Blondin donne ses lettres de noblesse au commentaire sportif. Grâce à lui, les intellectuels peuvent lire L’Équipe en toute quiétude, sans se cacher ou l’enrouler dans le Monde Diplomatique…
Soumis au fameux questionnaire de Proust, à l’interrogation, quel est votre passe-temps préféré, Antoine Blondin répondait invariablement : « suivre le tour de France ».
Cette série de grandes boucles représente sensiblement 100 000 kilomètres, soit deux fois et demie le tour de la terre, bouclée à 37 kilomètres à l’heure, dans le sillage de postérieurs court vêtus et relativement peu expressifs, disait-il. À l’ère spatiale, cette circumnavigation masochiste peut sembler dérisoire, voire absurde. Elle est la racine d’un rare bonheur de lecture.
Antoine Blondin suit fidèlement la Grande Boucle jusqu’au jour où il s’aperçoit que deux jours de suite, il a envoyé le même texte…Qui fut publié d’ailleurs. Il y a un moment où il faut savoir décrocher, même pour le suiveur. Blondin, c’est un challenge qui passe.
Sous les lampions d’un bal crépusculaire, Blondin invite, tour à tour, notre esprit d’enfance et nos désillusions à une valse lente, chanson du matin parachutée dans le soir qui tombe, le ciel strié comme une tranche napolitaine, silhouette fragile, sourire inachevé, calé au fond d’une voiture de la caravane, Peugeot de marque, couleur rouge, numéro 101 de matricule, dont il occupait immuablement la place arrière gauche à côté du journaliste ami, Pierre Chany. Vous voyez que la légende garde toutes ses dents comme le dérailleur de Poulidor dans l’ascension du Puy de Dôme…
Cette e-dition comprend donc les 528 chroniques écrites d'une enfantine calligraphie par Blondin. Pour une fois, cette e-dition n'est pas augmentée, elle est déjà si riche... Avec ce pavé de 950 pages serrées, c'était tout le temps du hibouquage, le jour du soigneur tant on en a... soigné la typographie... Panik est devenu un régional de l'épate tant il se sent chez lui dans ces échappées en plume libre. Et l'on est fier de n'avoir pas abandonné l'épreuve, qu'importe si l'on arrive deux jours après le peloton, tant pour nous ce n'était pas de la petite bière, et sans faux cols, bien sûr. C'était du goulot de forçats. Au maillot jaune, on substitua avantageusement la Chimay bleue... Dans le nôtre de peloton, et un peloton de têtes, voyez plutôt : Céline, Aymé, Queneau, Villon, Dumas, Du Bellay, du beau...monde, rien que des copains... Alors c'est tant mieux si, pour nous, désormais, la Tentative de description d'un dîner de têtes, ce sera plutôt :
Ceux qui pieusement…
Ceux qui faustocopieusement…
Ceux qui bartalisent
Ceux qui bobettent et en redemandent
Ceux qui barbotinnent
Ceux qui barbosannent
Ceux qui barbe au…
Ceux qui meurent sur les barricades
Ceux qui meurent pour les darrigades
Les indegrootables
Ceux qui de notre temps…
Ceux qui sont en avance sur l’horaire
Ceux qui sont en avance sur l’horreur
Ceux qui assènent
Ceux qui assent fort
Ceux qui hassenfordèrent
Ceux qui se gondolent, comme à Venise, parce qu’ils ne sont pas sur le canal numéro 1
Les sceptiques qui applaudissent par-derrière parce que leurs omoplates font baro
Les anti-sceptiques
Ceux qui beaucoup de bruyne pour rien
Ceux qui font parler la poudre à la radio
Ceux qui prennent l’aqueduc de Roquefavour pour un travail de Romain
Ceux qui font pousser des cailloux dans le désert de l’accroc
Les pousse-cailloux
Les sous-préfets au champ d’honneur
Ceux qui baissent la tête pour avoir l’air d’un coureur et ne voient pas défiler le peloton
Les pelotons d’exécution, les cousins, les amis, les poteaux, les poteaux frontière, tous ceux-là, et beaucoup d’autres, s’étaient réunis pour offrir une prime au premier champion qui passerait dans le coin, où se déroulait précisément une petite fête à bicyclette.
Aux prés verts se substitueront les chants blondins... voici donc 28 Tours pour votre sac à liseuse, histoires à pédaler sur les routes de France et de hasard...
DocTV: Un écrivain sur le tour, où Blondin ne blondine pas...
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