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Manchette - L'affaire N'Gustro

 

 

 

L’Affaire N’Gustro – un roman hystérique?

 

 

Troisième envoi

du calendrier Panik de l'Avant, quand

 les politocards c'était déjà tout pourri mais qu'on le disait pas... 

 

Son premier roman écrit tout seul, mais sur une idée de Jean-Pierre Bastid, est parfois qualifié du plus obsédant et accompli de ses ouvrages. Manchette y traite en détail d’un pan de l’histoire de façon moins impressionnante que d’autres auteurs de romans noirs, qui ont commencé à écrire après 1968. Toutefois, ce premier roman porte sur un évènement historique concret, l’affaire Ben Barka.

 

Les évènements historiques : L’Affaire N’Gustro prend pour thème l’enlèvement du marocain Al Medhi Ben Barka, membre de l’opposition. Il s’était battu pour l’indépendance de son pays et avait été enlevé le 29 octobre 1965 à Paris par les services secrets marocains, vraisemblablement avec la complicité du gouvernement français, puis torturé et assassiné. Après l’indépendance de 1956, le parti de Ben Barka, Istiqlal, s’est scindé en deux fractions. Une fraction acceptait de participer au pouvoir, mais la fraction démocratique Union des Forces Populaires du Maroc, quant à elle, refusait d’occuper les postes de ministres. Ben Barka appartenait à la seconde fraction politique. Il a très rapidement acquis une grande popularité, raison pour laquelle il fut accusé d’avoir organisé un complot contre le roi Hassan II. Il partit donc en exil. Pendant son absence, le gouvernement marocain condamna les exilés à mort. Son assassinat fut orchestré par l’ancien ministre de l’Intérieur, le général Oufkir, qui se trouvait à Paris le samedi 30 octobre 1965. Ahmed Dlimi, le directeur de la sûreté nationale marocaine, et un certain Chtouki, chef des services secrets marocains, se trouvaient également à Paris. Le commissaire Maurice Bouvier a conclu dans son enquête que Ben Barka avait été arrêté par deux policiers français, Louis Souchon et Roger Voitot. Ben Barka est monté dans un véhicule, où se trouvait également Antoine Lopez, un agent secret français. Ben Barka a été conduit à Fontenay-le-Vicomte (Essonne) dans la villa d’une personne associée à l’affaire, Georges Boucheseiche. Puis on perd sa trace. Son corps n’a pas été retrouvé jusqu’aujourd’hui. Le 3 novembre, l’ambassade marocaine donne une réception officielle en l’honneur du ministre de l’Intérieur, Mohamed Oufkir, de son homologue français, Roger Frey et de l’ancien préfet de police, Maurice Papon, qui sera également le héros d’un autre roman noir (Meurtre pour mémoire de Didier Daeninckx). Parmi les suspects, on comptait un journaliste et un réalisateur de film. Figon, le réalisateur, a publié ses aveux dans le journal L’Express du 10 janvier 1966 : “J’ai vu tuer Ben Barka”. Figon affirme avoir vu Oufkir assassiner le membre de l’opposition avec un poignard provenant de la collection d’armes de ladite villa. Avec cette représentation, Manchette balise également le genre en mutation du roman noir, car, comme son confrère Paco Ignacio Taibo II l’a formulé : “Les assassins sont les ministres de l’intérieur, les chefs de la police. Ce sont eux”. Figon sera retrouvé mort à son domicile peu de temps après, comme Butron, le héros de Manchette. La police conclura au suicide. La police française condamne Oufkir par contumace à la prison à perpétuité. Le juge Louis Zollinger condamne 12 autres personnes. La condamnation d’un ministre étranger par la justice française, fait jusqu’alors unique en matière de droit international, a gelé les relations franco-marocaines pendant 12 ans. En 1975, le fils de Medhi Ben Barka dépose une nouvelle plainte. En 1982 seulement, le gouvernement socialiste autorisera M. Pinsseau, le juge chargé de l’affaire, à consulter les documents de la SDECE (les anciens services secrets français) concernant Ben Barka. L’enquête est encore ouverte aujourd’hui. De nombreux acteurs associés à cette histoire ont entre temps disparus. Ainsi, Oufkir se donna la mort le 16 Août 1972. Il a été prévu en 2003 d’apposer une plaque commémorative à proximité de la brasserie Lipp, lieu de l’enlèvement. Le maire de Paris a reçu une demande à ce sujet. Les représentants des Verts et le maire socialiste, M. Delanoë, ont accueilli cette requête positivement. Le 18 avril, le conseil municipal de Paris a décidé d’attribuer le nom de Mehdi-Ben-Barka à une place située à proximité de la brasserie Lipp. Les représentants de l’UMP gaulliste se sont abstenus.

 

La fiction : Mis à part les dénominations (le ministre de l’Intérieur se nomme Georges Clémenceau Oufiri) et le pays concerné (le Zimbabwe), Manchette s’en tient strictement aux faits historiques : “L’élément documentaire, sans lequel il n’est pas de bon polar”. “Le dire vrai”, expression de Michel Foucault, pousse également Jean-Patrick Manchette, puis d’autres auteurs après lui, à travailler sur des cas refoulés de l’histoire. Manchette travaille un peu à la façon d’un historien, avec les traces qu’il reste encore à sa disposition. Dans le roman de Manchette, le parti des opposants politiques se divise également en deux fractions. L’histoire est narrée par un jeune fasciste membre de l’OAS, Henri Butron. Il s’agit d’un monologue intérieur. Celui-ci enregistre ses aveux sur une cassette, qui sera finalement détruite par la police. Une grande partie de l’histoire se déroule à Rouen, où Manchette a commencé à militer contre la guerre d’Algérie. Butron sera assassiné par les services secrets du Zimbabwe. La police française maquille l’assassinat en un suicide puis détruit la cassette contenant l’aveu ainsi que les clichés pris par Butron pendant l’enlèvement.

Un fait particulièrement intéressant : tout comme le massacre de centaines d’Algériens à Paris le 17 octobre 1961, qui a par ailleurs inspiré Didier Daeninckx, l’affaire Ben Barka longtemps été étouffée devenant même un sujet tabou. Dans L’Affaire N’Gustro, Manchette attaque ouvertement la presse, qu’il accuse de s’être rendue complice du pouvoir par son silence. Blasé et direct, il s’en prend au Nouvel Observateur, dans son roman intitulé Le Nouvel informateur.

 

Flashs : Ce roman inhabituel, dont l’actualité semble toujours aussi brûlante, contient déjà tous les éléments qui rendront le style de Manchette si direct : "Magouilles de la société capitaliste, police corrompue, journalistes et intellectuels de gauche nullissimes, ton volontairement agressif et provocateur, mélange d’argot et de style fleuri, références littéraires constantes"). Toutefois, Manchette ne construira plus jamais la trame de ses romans à partir d’événements historiques. Cela ne signifie pas pour autant qu’il ne fera plus jamais aucune allusion dans ses 9 autres romans, mais il procèdera plutôt par flash ou référence.

 

L'affaire à la TV en 1965

 

Un sacré rom' pol' : l'affaire N'Gustro



17/12/2012
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