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Louis Guilloux - La Maison du Peuple


 

Guilloux, le Breton universel...

 

« Louis Guilloux est le nom d’un malentendu idiot, comme tous les malentendus. Au motif qu’il a joyeusement massacré les bourgeois de sa ville natale dans un des plus puissants romans de l’entre-deux-guerres, Saint-Brieuc a longtemps hésité à reconnaître l’auteur du «Sang noir» comme un de ses grands hommes.

Pour la promotion du pays, sans doute avait-on eu sa dose avec cet anarchiste de Jarry: «A Saint-Brieuc des Choux tout est plus ou moins bête, / Et les bons habitants ont tous perdu la tête.» Mais on se trompe toujours, à confondre les écrivains avec l’office du tourisme. Les notables du coin avaient plutôt de quoi être fiers du régional de l’étape.

Tous les romanciers ne peuvent pas se vanter d’avoir été comparés à Faulkner par Malraux, à Cervantès par Aragon, et aux géants de la littérature russes par toutes sortes de gens; d’avoir été lu de près par Pasternak; d’avoir décroché le Renaudot en 1949; d’avoir été l’ami de Max Jacob et de Jean Grenier, d’Albert Camus et de Gaston Gallimard; d’avoir accompagné Gide et ce pauvre Dabit dans le mythique voyage en URSS de 1936.

Le problème de Guilloux, précisément, c’est qu’il n’était pas assez du genre à la ramener. Il aurait dû. D’autres ne se sont pas fait prier; et la gloire, parce qu’on la sollicite de tous côtés, ignore assez volontiers les gens discrets. Mais se pousser du col n’était pas dans la nature, pas dans la fière morale de ce fils de cordonnier, né à Saint-Brieuc en 1899.

Quand il veut entrer en littérature, à 25 ans, il est bien conscient qu’il lui faut une «carte de visite». Il la trouve en adressant «la Maison du peuple» chez Grasset. Ce récit tendre et pudique des luttes syndicales de son père touche juste: Guéhenno, autre fils de cordonnier, y «lit sa propre histoire», et le publie en 1927.

Il récidive donc bientôt avec «Compagnons», bref récit tolstoïen sur la fraternité, qui inspirera vingt ans plus tard un texte magnifique à Camus: «Guilloux songe presque toujours à la douleur chez les autres, et c’est pourquoi il est, avant tout, le romancier de la douleur.» Entre-temps, il avait reçu chez lui l’auteur de «l’Étranger», et lui avait indiqué le chemin du cimetière de Saint-Brieuc: depuis 1914 y est enterré le père de Camus, qui s’en souviendra dans «le Premier Homme».

C’est aussi que, passé le temps des coups d’essais, est venu celui du coup d’éclat: Gallimard publie «le Sang noir» en 1935. En racontant avec une ironie flaubertienne la dernière journée d’un prof de philo surnommé Cripure, Guilloux y lève rageusement le rideau sur ce que furent, dans une ville de Bretagne, loin du front, les coulisses de la Grande Guerre. C’est tragique, pathétique, drôlissime. Le Goncourt lui file entre les doigts, comme à Céline trois ans plus tôt. Un autre prendrait racine à Paris et referait le même livre, puisque la recette semble bonne. Pas Guilloux, pour qui l’écriture ne va pas sans générosité. Pas lui, qui se fait virer de «Ce soir» par Aragon pour… défaut de stalinisme. Pas lui, qui voit son siècle perdre la boule.

Guilloux met la main à la pâte pour secourir des chômeurs et des réfugiés espagnols; planque des résistants derrière sa bibliothèque sous l’Occupation; remue de vieux souvenirs d’enfance pour échapper au désespoir. Il en tire «le Pain des rêves» en 1942, et surtout l’extraordinaire «Jeu de patience», en 1949, qui raconte les quarante années précédentes sous la forme d’un puzzle atomisé par les violences de l’Histoire.

Jusqu’à sa mort en 1980, d’autres livres suivront, comme «la Confrontation», «Coco perdu», et l’étonnant «OK Joe», où Guilloux témoigne de son expérience d’interprète auprès des GI’s à la Libération. L’ensemble de son œuvre forme un document capital pour qui veut savoir comment sa chère Bretagne, et la France, sont passées du XIXe au XXIe siècle. Mais c’est aussi un monument littéraire essentiel, où le refus de juger les autres guide une écriture fine et universelle, où la condition humaine palpite avec ses doutes, ses espoirs et ses désillusions. Au fond, Guilloux est à Saint-Brieuc ce que Giono est à Manosque. Giono, tiens, encore un fils de cordonnier. »

 

Une e dition enrichie comme d'habitude. Vous pourrez découvrez ces petites perles lisant ce très beau livre où paupèrisme n'a rien à voir avec misérabilisme. Belle lecture. 

Le livre vous attends ici



11/06/2013
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